L’élimination de la Covid-19 est le chemin le plus économique vers la reprise économique. Le compromis entre santé et richesse a été réfuté par les pays qui ont opté pour une stratégie d’élimination. La gestion réussie d’une pandémie, qui consiste à réduire au minimum le nombre de cas et de décès ainsi que les difficultés économiques, repose sur la création de zones vertes exemptes de Covid, souvent par le biais de politiques de test, de dépistage et d’isolement (TTI), de restrictions des voyages et d’une gestion rapide des épidémies. Les pays qui ont opté pour une stratégie d’élimination – dont l’Australie, la Chine et la Corée du Sud – ont gagné le contrôle du virus, ce qui a permis de réduire l’incertitude et de relancer la croissance économique. En revanche, la plupart des pays européens ont suivi une logique d’arrêt et d’action fondée sur la réaction plutôt que sur l’anticipation. Censée s’aligner sur la liberté et les considérations économiques, cette tactique s’est finalement avérée plus restrictive pour nos libertés, plus blessante pour notre santé et plus dommageable pour notre économie. En particulier, la stratégie du « stop and go » est préjudiciable à la croissance économique à long terme car elle empêche les entreprises de planifier à long terme. Au lieu d’investir dans l’innovation, elles accumulent des liquidités pour faire face au prochain blocage. Au lieu d’investir dans les compétences, elles embauchent à court terme.
Il ne fait aucun doute que les vaccins joueront un rôle clé pour contenir et finalement éliminer le virus, comme on l’a déjà vu en Israël. Mais le retard des campagnes de vaccination en Europe et l’émergence de nouveaux variants – ceux déjà connus et ceux qui restent à découvrir – réduisent la probabilité de contrôler le virus d’ici la fin de l’été. Pour ne pas subir le même sort, l’Europe doit adopter une stratégie d’élimination qui ne repose pas uniquement sur la vaccination.
Les avantages économiques du zéro Covid-19
L’élimination s’est avérée la plus efficace pour réduire les dommages sanitaires et économiques à moyen et long terme (Chetti et al. 2020, Dorn et al. 2020). Plus d’un an de pandémie de Covid-19 nous permet de regarder en arrière et d’évaluer les stratégies qui ont le mieux fonctionné. La Chine, l’Australie, le Cambodge, l’Islande, la Nouvelle-Zélande, Taïwan, le Vietnam, le Japon, la Corée, le Laos et la Thaïlande ont suivi une stratégie d’élimination, avec des mesures hétérogènes dépendant de la situation épidémiologique des différentes régions. A partir d’avril 2020, dans ces pays, le secteur des services (le plus touché par les restrictions sanitaires) a retrouvé une croissance positive forte. En Europe, il est toujours en récession. Toujours dans ces mêmes pays, à la fin de l’année 2020, le niveau du PIB a retrouvé son niveau de 2019T4. En Europe, il est inférieur de six points à ce niveau. En 2021, en moyenne annuelle, le PIB des pays zéro-Covid sera supérieur de 6,2 points à son niveau de 2019. En Europe, il sera inférieur de 3,4 points. Au total, les pays pratiquant le  » zéro Covid  » ont gagné dix points de PIB par rapport à l’Europe (Aghion et Artus 2021).
Les avantages de l’élimination par rapport au  » stop-and-go  » sont particulièrement frappants lorsqu’on examine les comparaisons dynamiques entre pays. La figure 1 montre les estimations hebdomadaires des décès et de la croissance du PIB pour les quatre États membres de l’OCDE qui ont opté pour l’élimination (Australie, Japon, Corée et Nouvelle-Zélande) par rapport aux quatre pays les plus peuplés de l’UE (France, Allemagne, Italie, Espagne). Il convient de noter que si les premiers ont retrouvé une certaine stabilité avec pratiquement aucun décès lié à la Covid-19 et une croissance économique revenue aux niveaux d’avant la crise, les seconds restent volatils, tant en termes de vagues pandémiques que de déclin économique.
L’incertitude quant au moment, à la durée et à la gravité des lockdowns empêche les entreprises de faire des plans à long terme, ce qui freine les investissements, tant en actifs qu’en main-d’œuvre. Par conséquent, la disparité en matière de reprise et de croissance pourrait bien s’étendre au-delà de la pandémie elle-même.
Figure 1 Nombre quotidien de décès par million (zones) et estimations hebdomadaires du PIB (lignes)
Sources : Zones : Roser et al. (2020) ; estimations du PIB : Suivi hebdomadaire de l’activité économique de l’OCDE, voir également Woloszko (2020).
Au-delà du soulagement au sein d’un pays, la création d’un réseau international de zones vertes sans Covid présenterait également des avantages économiques substantiels. En Europe, par exemple, le secteur du tourisme a été l’un des plus touchés par la pandémie, ce qui risque d’accentuer les divergences économiques et politiques entre les pays d’Europe du Nord et du Sud. La fluidité des échanges et des mouvements au sein de l’Europe a entraîné une forte spécialisation et une fragmentation, les pays méditerranéens tirant parti de leurs avantages comparatifs dans le secteur du tourisme. Les économies du sud de l’Europe dépendent de manière disproportionnée du tourisme, en particulier pendant la saison estivale. En Italie et en Espagne, le tourisme représente environ 20 % du PIB pendant les mois d’été. En Croatie et en Grèce, sa contribution dépasse 50 % du PIB. Dans tous les secteurs, Baldwin et Evenett (2020) affirment que les politiques insulaires ne parviendront pas à favoriser la reprise économique dans tous les secteurs. Le rétablissement de la libre mobilité entre les zones vertes – éventuellement de différents pays – réduirait non seulement les difficultés, mais pourrait également permettre à l’Europe de montrer sa force et de permettre la prochaine saison touristique.
Une stratégie d’élimination pratique pour l’Europe
L’Europe étant interconnectée tant sur le plan épidémiologique qu’économique, il serait plus efficace, voire indispensable, d’opter pour une stratégie commune. À cette fin, nous plaidons en faveur de l’adoption d’une stratégie d’élimination coordonnée (mais décentralisée) basée sur le « zonage vert » (Pradelski et Oliu-Barton 2020). En divisant les pays en zones plus petites, il est possible d’atteindre une sortie plus rapide et d’éviter les mesures les plus néfastes. Les régions, les provinces ou même les villes sont étiquetées vertes dès que la circulation du virus est suffisamment faible. Cela signifie que les mesures de test, de dépistage et d’isolement prises au niveau local peuvent empêcher efficacement la propagation incontrôlée des infections dans la zone. Les zones vertes peuvent progressivement revenir à une vie normale : les écoles, les restaurants, le tourisme et les autres entreprises peuvent rouvrir complètement, les voyageurs se déplaçant librement à l’intérieur des zones vertes et entre elles. Il est important de noter que pour protéger les zones vertes des réimportations du virus, des restrictions de voyage doivent être mises en place. L’accès aux zones vertes doit être limité aux voyageurs en provenance d’une autre zone verte et aux voyageurs pouvant présenter un certificat de vaccination ou d’immunité valide, ou un test négatif récent. En fait, un « passeport vert » a été proposé par plusieurs États membres de l’UE et a récemment reçu le soutien du Conseil de l’Union européenne (2021a).
Les États membres de l’UE ont déjà convenu de critères objectifs communs pour déterminer la situation épidémiologique de chaque région, et d’adopter des restrictions de voyage harmonisées pour les zones où l’incidence du virus est particulièrement élevée (Conseil de l’Union européenne 2020, 2021b). La capacité de coordination de l’UE est prometteuse, mais la stratégie doit de toute urgence se concentrer sur la protection des zones vertes. Si les États membres de l’UE ne parviennent pas à s’entendre sur une stratégie d’élimination commune, ils devraient au moins soutenir ceux qui optent pour le zéro Covid. Cela pourrait notamment permettre aux pays méditerranéens de sauver la saison touristique estivale, un facteur clé pour la viabilité de leurs économies.
Un chemin sûr vers la guérison
Après de multiples vagues d’infections, de fermetures et de réouvertures, les campagnes de vaccination retardées laissent l’Europe dans le besoin urgent d’une stratégie de sortie convaincante de la pandémie de Covid-19. Les arguments médicaux et économiques en faveur d’une stratégie d’élimination sont écrasants. Si l’impact de la vaccination est encore limité, l’objectif de zéro Covid offre néanmoins la voie la plus sûre pour assurer un retour à la normale le plus rapidement possible. Cela ne doit bien sûr pas servir de prétexte pour ne pas accélérer la campagne de vaccination. Au contraire, les vaccins restent un élément essentiel de la stratégie.

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